La résistance palestinienne sur la liste européenne des organisations terroristes.. et les conséquences (texte février 2009)

par Luk Vervaet

Au nom de la « lutte contre la terreur du Hamas et sa diffusion dans la région » Israël a déclenché, fin décembre 2008, une guerre totale contre Gaza et tué ou blessé des milliers de civils et enfants palestiniens. Malgré le retrait des forces d'invasion israéliennes et un cessez-le-feu fragile, cette guerre continue toujours : la force aérienne israélienne a de nouveau lancé des attaques aériennes contre Gaza dont le blocage reste total.
Zéev Boïm, un ministre israélien du parti Kadima de Livni, disait à la radio le 4 février 2009 : « La prochaine phase de nos opérations à Gaza sera l'élimination du terroriste Haniyeh ». Le terroriste en question est Ismaël Haniyeh du Hamas, le Premier ministre palestinien, élu sous contrôle européen et international.

1. Gaza et The Global War on Terror


En matière de guerre psychologique, la machine de guerre israélienne a réussi, aux yeux de l'opinion publique occidentale, à présenter ses « citoyens israéliens » comme des « victimes innocentes du terrorisme », et son agression contre la population la plus dense du monde comme le droit à l'autodéfense dans le cadre de « notre  lutte commune contre le terrorisme ». Ainsi jouent-ils sur la peur occidentale des attentats terroristes en Occident, et sur le racisme envers les communautés d'origine arabe. Cela explique également pourquoi l'opinion publique progressiste blanche en Europe s’est bornée à protester contre les bombardements, sans pour autant soutenir la résistance palestinienne.
La « global war on terror » (GWOT) fut lancée par l'administration Bush après les attentats du 11 septembre 2001, au nom du « droit à l'autodéfense contre le terrorisme (islamique)  »,et Israël reprenait cette argumentation littéralement. L'occupation de la Palestine par Israël, depuis maintenant 60 ans, ainsi que la guerre permanente contre la population  et la résistance palestiniennes, sont en d'autres termes devenues partie intégrante de la guerre occidentale contre Ben Laden et Al-Qaida. L’ « Operation Cast Lead » contre Gaza était une suite à d'autres opérations que nous connaissons comme « Operation Enduring Freedom » contre l'Afghanistan (2001) et « Operation Iraqi Freedom » contre l'Iraq (2003). Pendant la première décennie de ce siècle, Gaza devenait ainsi la quatrième « Operation » contre le terrorisme de la part de l'Occident et de ses alliés, si on y inclut la « Seconde guerre libanaise » contre le Hezbollah libanais (2006).
L’étiquette « guerre contre la terreur » s’est transformée en blanc-seing pour ceux qui cherchent à renverser des gouvernements ou à annihiler le droit des Palestiniens à l’autodétermination (droit pourtant reconnu par l’ONU), de même que leur légitime résistance face au colonialisme et à l’impérialisme.


2. The global war on terror et l'Europe

Nous n'aimons pas qu'on nous rappelle le fait que la « War on Terror » américaine est depuis longtemps déjà devenue la nôtre également, une guerre européenne. La protestation de quelques gouvernements du Vieux Continent contre l'invasion de l’Iraq s'est tue ; les rangs sont à nouveau formés et, dans le cadre de l'OTAN, chaque pays fournit une contribution grandissante à l'agression contre l'Afghanistan. On n'aime pas non plus s’appesantir sur le fait que les attentats terroristes que l'Europe a connus à Londres (2005) et Madrid (2003) datent d'après la participation européenne à cette guerre contre la terreur et sont donc une conséquence de cette participation, et non une cause. Une autre pensée désagréable est celle que, malgré les appels à la paix après la première et la deuxième guerre mondiale (« Plus jamais de guerre ») cette guerre contre la terreur  a déjà duré plus longtemps que les deux guerres mondiales cumulées. Mais cette fois nos troupes britanniques, hollandaises, belges, françaises...se battent loin de chez elles, en dehors de leur territoire, sur des champs de bataille étrangers. Ce qu'on ne peut pas reprocher aux combattants du Hamas ou du Hezbollah, et ce qui ne rend certes pas plus crédibles les dirigeants européens quand ils prétendent qu'il ne faut pas importer les conflits de « là-bas » vers « ici ».

La guerre actuelle a également ressuscité les vieilles guerres coloniales et néo-coloniales de l'Europe d'après la deuxième guerre mondiale.
L'utilisation du terme « terroriste » par les pays européens date de cette période où ils occupaient eux-mêmes des pays, et où ils taxaient eux-mêmes les organisations de résistance contre leurs occupations de « terroristes », de « combattants irréguliers », « partisans », « subversifs », termes toujours associés au communisme international. Ainsi l'Armée Malaisienne de Libération Nationale (MNLA) fut classée par les Britanniques pendant la période 48-60 comme « CT's », « communist terrorists » . En 1952 les combattants de libération du Kenya, les Mau Mau, furent officiellement proclamés « terroristes » par les Britanniques. Les français firent de même en traitant le Viêt Minh au Vietnam de « terroristes » ; ainsi de suite pour le front de Libération Nationale en Algérie, plus tard pour le Viêt Công par les Etats-Unis. La liste est longue.
Les lois et mesures contre-terroristes européennes sont celles d'un continent en guerre. Comme on le verra ci-après, le classement d'une organisation sur la liste des organisations terroristes équivaut à la prononciation d'une peine de mort. La liste européenne des organisations terroristes est soumise à une pression constante de la part d'Israël et des Etats-Unis afin d'y mettre et d'y maintenir certaines organisations.

3. Le 11 septembre 2001

En ce qui concerne les mesures contre-terroristes, l'Europe (et surtout la Grande-Bretagne, l'Italie et l'Allemagne) avait, dans le cadre de ses Etats nationaux, sa propre expérience acquise durant la lutte contre l'IRA, les Brigades Rouges et la RAF dans les années 60 à 80 du siècle dernier. A partir des années 70 et sur base de la Résolution de 1999 de l'ONU, des accords et engagements contre-terroristes collectifs à l'échelle européenne et internationale ont déjà été mis en vigueur.
Mais l'engagement européen dans la guerre actuelle contre le terrorisme date du 20 septembre 2001, 10 jours après les attentats du 11 septembre, quand les Etats-Unis et l'Europe ont publié une déclaration commune, dans laquelle ils « exprimaient le désir de collaborer » et affirmaient qu'ils « continueraient la coopération sur le plan de la police et de la justice d'une manière des plus vigoureuses. » Et ce même jour, les ministres de la Justice et des Affaires intérieures de l'Union Européenne décidaient d'entamer des pourparlers avec les Etats-Unis afin d' « améliorer la coopération transatlantique » pour, d'une part « renforcer la coopération judiciaire contre le terrorisme », et d'autre part, « faciliter l'échange de données personnelles entre l'Europe et les Etats-Unis.». Le 20 septembre fut ainsi la date de mise en marche d'une collaboration intensive entre les Etats-Unis et l'Europe contre le terrorisme, mais également de l'introduction en Europe de toute une série de lois (d'exception), procédures et mesures contre le terrorisme : blocage d'avoirs financiers destinés aux terroristes (ce qui veut dire entre autres que les relations bancaires et d'assurances sont arrêtées, et des documents de voyage retirés) ; introduction de méthodes de recherche exceptionnelles, interdiction d'organisations, procès contre des personnes suspectées de terrorisme, etc. Plusieurs pays européens utiliseront aussi la lutte internationale contre le terrorisme  pour chercher du soutien international dans leur approche de conflits intérieurs (l'Italie par exemple contre des groupements communistes à peine existants et l'Espagne contre le parti basque légal Herri Batasuna).
Au centre de toutes ces mesures se trouve la “Décision-cadre du 13 juin 2002 concernant la lutte contre le terrorisme”, adoptée par le Conseil de l'Union Européenne (la réunion des ministres des Etats membres européens, avec un ministre délégué de chaque Etat-membre ; la composition du Conseil peut varier : ministres de l'Agriculture ou ministres de la Justice ou des Affaires étrangères). Cette décision-cadre a été suivie, les années suivantes, par d'autres décisions-cadre qui ont élargi systématiquement l'orientation et le champ d'application de la première. La dernière adaptation date de novembre 2008 quand le Conseil de l'Union Européenne décidait d'ajouter à la liste des activités terroristes “l'incitation publique au terrorisme, le recrutement et l'entraînement de terroristes ou la fourniture d'information à des fins terroristes”. On ajoutait à la décision-cadre une liste d'organisations et personnes terroristes, régulièrement mise à jour. La « décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 concernant la lutte contre le terrorisme (2002/475/JAI) » se trouve en annexe de ce texte.

4. La loi européenne antiterroriste et la démocratie

La décennie passée, la lutte contre le terrorisme n'a pas seulement fait des centaines de milliers de victimes humaines. Dans le camp occidental même, la lutte contre le terrorisme a des « effets collatéraux » internes dévastateurs pour tous les secteurs de la société.

Le Center for Public Integrity américain publiait en janvier 2008 un article (« The war card : Orchestrated deception on the path to war ») sur la manière dont Bush a su vendre la guerre contre la terreur à l'Amérique et au monde : « On a raconté plus de 900 (neuf cents !) mensonges sur les menaces du régime de Saddam Hussein contre la sécurité nationale des Etats-Unis ». À ma connaissance aucun compte n'a été fait du nombre de mensonges européens pour justifier la participation aux guerres d'Irak et d'Afghanistan, ou  pour la rédaction de listes anti-terroristes. Mais si on le fait un jour, la liste des contre-vérités sera sans doute aussi impressionnante que celle des Américains.  Un de ces mensonges est le fait que ces listes anti-terroristes des gouvernements européens serviraient à « protéger leurs citoyens contre des attentats terroristes comme à New York, Madrid ou Londres.». En réalité la liste anti-terroriste européenne est une arme systématique de la politique internationale européenne, qui, au cours des années, s'est identifiée presque entièrement à celle des Etats-Unis et d'Israël. Cela ressort le plus significativement de l'insertion sur la liste européenne du terrorisme, en 2003, de toutes les organisations de libération palestiniennes qui se trouvaient sur la liste américaine du terrorisme en 1995. Sur le plan de leur politique intérieure, la législation anti-terroriste est devenue un moyen, pour les gouvernements européens, de briser la solidarité avec la résistance au tiers-monde, et d’étiqueter comme « terroriste » la résistance politique radicale intérieure afin de la poursuivre légalement en justice.

4.1. La liste des organisations terroristes est aux mains des services de sécurité
Les décisions de l'Europe sur la « coopération sur le plan de la police et de la justice criminelle », dont sont issues la décision-cadre et la liste des organisations terroristes, font partie d'une série de lois européennes faisant partie de ce qu'on appelle « le troisième pilier », c.à.d. des lois et des règlements qui ne nécessitent pas d'approbation par le parlement européen. Une décision unanime du Conseil (des ministres) suffit. Et de même, la Cour Européenne n'a qu'une compétence restreinte sur ces terrains. Par contre, une décision-cadre implique l'obligation pour tous les Etats-membres de les transformer en législations nationales, qui doivent être approuvées par les Parlements nationaux.  Mais, dans la plupart des cas, ces derniers n’en prennent pas connaissance et accordent leur confiance à la liste européenne. Nos représentants du peuple ne veulent surtout pas être soupçonnés de vouloir prendre la défense d'une quelconque organisation terroriste. Faites le test et demandez à un parlementaire s'il sait pour combien d'organisations il a voté sur la liste des terroristes, qui sont ces organisations, pourquoi elles s'y retrouvent et quelles sont les conséquences dramatiques pour elles... Prenons un exemple typique pour démontrer ce qu’est un « débat » sur la liste des organisations terroristes au Parlement européen. Suite à une interpellation parlementaire, en décembre 2002, à la Chambre des Représentants néerlandais, demandant pourquoi le mouvement politique Hamas ne figurait pas sur la liste des organisations terroristes, le ministre néerlandais compétent répondit : « Depuis le 27 décembre 2001 les Brigades Izz al-Din al-Qassam (la branche militaire du Hamas) se trouvent sur la liste européenne des organisations terroristes contre lesquelles des sanctions financières doivent être prises (entre autres, immobiliser les avoirs). Dans le cadre de l'UE une concertation est en cours sur la question du classement du Hamas sur cette liste, mais il n’y a pas l'unanimité requise au sein de l'Union Européenne. Dans cette discussion des arguments de fongibilité de donations, et d'une distinction entre activités sociales et violentes d'une même organisation jouent un rôle. D'ailleurs, vu le caractère confidentiel de cette concertation, de plus amples communications ne peuvent être données par cette voie ».
Les représentants du peuple doivent se contenter de ce genre d'information creuse. Et c’est avec cette dernière phrase du ministre que le « débat » prit fin.
Le classement sur la liste se fait par les ministres des Etats-membres sur base « d'informations venant des services nationaux de sécurité ». Ceux-ci préparent une proposition de classement dans un groupe de travail des services de renseignements des Etats-membres, souvent sur base « d'informations secrètes »., D’après l’EUobserver (28/10/2008), ce groupe de travail opère ? « sans aucun contrôle politique ou juridique et ce sont ses décisions qui, après coup, reçoivent très simplement des ministres le cachet de 'positions communes' de l'Europe. » Tous les six mois le groupe de travail met la liste à jour.

4.2. Décision de classement sur base d'une alliance Etats-Unis/Israël
Pour défendre la liste des organisations terroristes de l’Union Européenne on prétend parfois que les pays européens seraient liés internationalement et obligés de reprendre les organisations se trouvant sur la « liste de la terreur » des Nations Unies.
Les Etats-membres le doivent effectivement, mais il y a un problème : les organisations palestiniennes ne figurent pas sur la liste des organisations terroristes telle que la définissent les Nations Unies. Leur classement sur la liste européenne ne peut dès lors être vu que comme un choix politique de l'Europe en faveur des Etats-Unis et d'Israël, et le refus d'autres choix politiques. Ainsi la question qui se pose au Conseil de l'Union Européenne est : pourquoi le Conseil Européen ne pouvait-il pas ce que plus de 50 membres de l'Organisation de la Conférence Islamique (Islamic Conference Organisation) ont bel et bien pu en affirmant que « des mouvements de libération nationale » et « la résistance contre une occupation étrangère » doivent être biffés de la définition du terrorisme ? Ou, si le Conseil ne veut pas être situé dans ce « camp islamique » : pourquoi un pays comme la Russie, qu'on peut difficilement soupçonner d'être un sympathisant de la cause islamique, peut-il continuer à refuser de mettre Hamas ou Hezbollah sur une liste des organisations terroristes, et pourquoi l'Europe ne pourrait-elle pas agir de la sorte ? Pourquoi l'Europe refuse-t-elle au Hamas la reconnaissance comme mouvement de libération nationale, alors que des politiciens comme Hugo Chavez (Venezuela), Jimmy Carter (Etats-Unis) ou Gerry Adams (Irlande) et beaucoup d'autres encore le font ? L'un d'entre eux, le premier ministre turc Erdogan, posait la question dans ces termes à Davos, en Suisse, lors du dernier Forum économique mondial : « Le président Obama doit réviser sa définition du terrorisme et des organisations terroristes au Moyen-Orient. À partir de cette nouvelle définition, il faut attendre une nouvelle politique américaine pour le Moyen-Orient. »

4.3. Moudjahiddines iraniens hors de la liste et Hezbollah dessus ?
Les exemples suivants montrent que, à part les services de sécurité, ce sont les rapports de force, les alliés et le « lobbying » qui sont à la base d'un classement sur la liste européenne des organisations terroristes.
Le 26 janvier 2009 le Conseil de l'Union Européenne rayait « l'Organisation des Moudjahiddines du Peuple » (OMPI), iranienne, de la liste européenne des organisations terroristes. Depuis l'apparition de la liste 18 individus et cinq groupes au total en ont été rayés, mais c'était la première fois que le Conseil décidait de rayer une organisation sur base d’une procédure judiciaire. Les ministres européens des Affaires étrangères ont traité le cas comme un « point A », c.à.d. comme un point de l'agenda sur lequel on ne discute pas. Le libellé « organisation terroriste » disparaît donc pour l'OMPI et cette organisation peut, à partir de ce jour, par exemple collecter des fonds en Europe et elle a accès à toutes les institutions. Le jour suivant, le comité européen « In Search of Justice » (ISJ), groupant quelque 2000 parlementaires des 27 Etats-membres, donnait une conférence de presse à Bruxelles où il affirmait que cette victoire pour l'OMPI fut le résultat d'une « lutte judiciaire et politique de sept ans, avec 50 manifestations de masse, 800 sit-ins et 21 témoignages de juristes européens éminents.». Qui niera que c'est la politique occidentale et israélienne contre l'Iran qui fait de ce qui était antérieurement une « organisation terroriste » dorénavant un allié, malgré toutes les informations des services de sécurité ?
Un mouvement politique dans l'autre sens, pour ajouter une organisation à la « liste de la terreur », est en cours contre le Hezbollah depuis la deuxième moitié de 2008. Ce cas montre très bien comment la criminalisation de la résistance par l'Europe se fait, comment elle dépasse toutes les frontières entre les partis politiques, et de quels groupes de pression elle émane.

Le 16 juin 2008 une « Déclaration Ecrite » (« Written Declaration » fut publiée, signée par Alexander Alvaro du FDP libéral allemand, Paulo Casaca du Parti Socialiste Portugais et co-président des « Friends of a Free Iran », Jana Hybásková, présidente des démocrates-chrétiens tchèques et présidente de la Délégation du Parlement européen pour les relations avec Israël, Józef Pinior des sociaux-démocrates polonais et Helga Trüpel des Verts allemands, afin d'inciter tous les Etats-membres européens à mettre le Hezbollah sur la liste européenne des organisations terroristes. Cette déclaration a depuis reçu  le soutien de 79 membres du Parlement européen.

Leur argumentation consiste en une seule accusation concrète. Pendant la première moitié des années 80, il y a environ 25 ans, le Hezbollah aurait été responsable de quatre attentats : « 3 contre des Français au Liban et en France, et 1 contre un restaurant à Madrid ». L'argumentation contient, entre autres, les assertions suivantes: « (B) vu le fait que le Hezbollah est une menace directe à la sécurité de l'UE...(F) vu le fait que six pays, dont le Royaume-Uni et les Pays-Bas, ont déjà placé le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes et que d'autres pays, comme l'Allemagne et la France ont déjà mené des actions judiciaires contre le Hezbollah, (G) vu le fait que le Hezbollah est une menace pour les soldats européens d'Unifil, (H) vu le fait que le Hezbollah soutient, et collabore avec, des groupes terroristes se trouvant sur la liste européenne du terrorisme, comme le Hamas... ».
En d'autres termes, à part des assertions sans preuve, le seul fait qu'on se retrouve sur une « liste de la terreur » dans un seul pays suffirait pour être mis sur une même liste dans d'autres pays, selon les présentateurs. Le fait que le Hamas figure sur la liste devient un argument pour mettre sur la liste quiconque a des contacts avec lui ou collabore avec lui. Un principe qui sera appliqué également pour toutes les organisations humanitaires comme on le verra plus loin. D’ailleurs, dans l’argumentation mise en avant, les exemples touchant le Royaume-Uni et les Pays-Bas sont des faux, car le Royaume-Uni n’a mis sur cette liste que le bras militaire et exécutif, et non le mouvement politique.
 Et en même temps ces exemples sont frappants car, aussi bien le Royaume-Uni que les Pays-Bas sont les meilleurs alliés des Etats-Unis en Europe : contrairement à beaucoup d'autres pays européens, ces deux-là participaient à la guerre américaine contre l'Irak.
Ces « Déclarations Ecrites » sont des appels directs à criminaliser et ne sont pas si innocentes qu'elles le semblent à première vue. Elles créent un climat politique facilitant un classement sur la liste et ont d'ores et déjà comme effet de pousser les parlements nationaux à traiter une organisation qui ne figure pas sur la liste comme si elle y était, et de rendre impossible des contacts politiques normaux avec eux. On pouvait en voir un exemple à Bruxelles, le 15 décembre 2008, deux semaines avant l'invasion de Gaza. L'Union Internationale des Parlementaires pour la Palestine (IUPFP) organisait alors une conférence réussie sur « Gaza, la plus grande prison du monde », dans la salle de conférence du Parlement belge. Hassan Kreiseh, vice-président du Parlement palestinien, Hussein Al Haj Hassan, représentant du peuple libanais pour le Hezbollah, Abdullah Kassir, secrétaire de l'IUPFP et directeur de la station de télévision Al Manar y prenaient, avec Greta Berlin du Free Gaza Movement, la parole devant 120 participants, parmi lesquels quelques rares parlementaires courageux. Le lendemain, la presse belge criait au scandale ! Non pas sur le drame de Gaza, mais sur la présence du Hezbollah dans le Parlement ! Dans le plus grand quotidien Belge, « Het Laatste Nieuws » du 16 décembre 2008, le rédacteur en chef Luk Vander Kelen écrivait son éditorial sous le titre « Des terroristes au parlement ». Comme déjà vu, le Hezbollah ne figure pas sur la liste européenne des organisations terroristes, mais cela n'empêche pas le rédacteur en chef du plus grand quotidien belge de parler des « amis de la terreur » ou encore : « En soi il n'y a aucun problème avec une conférence sur des prisonniers palestiniens... La participation de membres éminents du Hezbollah, par contre, est un problème. Cette organisation lutte pour la destruction d'un pays ami reconnu par la communauté internationale, et elle est financée directement par la dictature iranienne avec le même programme. Que des représentants de la terreur fassent leur apparition en public, dans le coeur de la démocratie, avec la collaboration d'un parti démocratique, est choquant... ».  Le quotidien « De Standaard » du 16 décembre écrivait dans le même sens. Il consacrait un article de toute une page au même thème (c.à.d. au Hezbollah et pas à la situation à Gaza) et faisait savoir comment les fractions parlementaires du « CD&V, Open VLD et SP.a se distanciaient de la présence du Hezbollah dans le Parlement belge.». Le quotidien citait le président du Parlement - et actuel premier ministre belge - qui disait : « Chaque demande pour une conférence de la part de Lahsaini (le représentant écolo qui avait rendu possible la conférence dans le Parlement, ndlr) ou avec un logo palestinien, sera désormais examinée avec les yeux d'Argus ». La conférences du 15 décembre et les réactions suivantes donnent une bonne image de la mentalité du monde politique et médiatique deux semaines avant le déclenchement de l'offensive finale contre Gaza.

4.4. Dick Marty: « Sur la liste antiterroriste = sentence capitale »
Dans son rapport au Conseil de l'Europe (« Provisional draft report on UN Security Council and European blacklists », novembre 2007), le rapporteur européen Dick Marty affirmait, concernant la constitution de la liste européenne des organisations terroristes que « aussi bien au niveau de l'ONU qu'à celui de l’Union Européenne, il n'est pas répondu aux procédures minimales assurant des garanties judiciaires »... Les listes sont une infraction aux principes élémentaires de l'état de droit et aux droits humanitaires.».  Car, pour les concernés, il n'y a pas « de notification ou information adéquate sur l'accusation et la décision prise ; pas de droit à une procédure contradictoire afin de pouvoir agir adéquatement contre le ou les accusations ; aucune possibilité que la décision touchant une personne dans ses droits pourrait dans un délai raisonnable être traitée devant un organisme indépendant et autonome, et pouvant changer ou annuler la décision ; aucune possibilité de dédommagement quand les droits d'une personne ou d'une organisation sont bafoués ». « Une suspicion vague suffit pour être mis sur la liste, et figurer sur la liste équivaut à une sentence de mort », comme Marty le disait aussi..
Et effectivement, le classement du Hamas sur la liste équivalait littéralement à un verdict de mort. Sans le traitement du Hamas par les Etats-Unis et l'Europe comme « une organisation terroriste » pendant la décennie qui vient de finir, au lieu de le traiter comme un parti légitime pour la libération nationale venant, il y a deux ans, à la tête d'un gouvernement démocratiquement élu, les événements n'auraient jamais pu prendre la tournure qu'ils ont prise effectivement avec la guerre à Gaza de décembre 2008 à janvier 2009. Dans ce procès qui dure depuis dix ans déjà, le Hamas et Gaza ont effectivement été condamnés à mort, et Israël n'avait qu'à exécuter le verdict.

5. La loi antiterroriste européenne et la solidarité

« La lutte contre le terrorisme » est devenue une cravate politique et idéologique captivant l'opinion publique occidentale, les politiciens et les média. Elle aboutit à un abrutissement et une insensibilité en hausse dans nos pays. C'est une insensibilité qui se développe face à la douleur humaine innommable que ces guerres traînent avec elles, mais par extension un abrutissement et une insensibilité qui s'installent dans la sociéte tout entière. Celui qui se fait des soucis, et pour cause, sur le genre de société dans laquelle nos enfants en Occident grandissent, ou sur la droitisation générale de nos sociétés, ne peut écarter la guerre contre la terreur et ses conséquences.
Le lauréat du prix Nobel, Joseph Stiglitz, écrivait : « Les milliers de morts violentes ont rendu la plupart des Occidentaux insensibles à ce qui se passe : un attentat à la bombe faisant 25 victimes humaines a, à peine quelque peu, valeur d'actualité ». Et même dans les moments où l'horreur israélienne à Gaza était quotidiennement en première page des journaux, cela n'avait nullement comme effet de nous pousser dans la rue massivement : (au sein même des protestations globales) l'honneur de l'Occident ne fut sauvée par les manifestations en masse des communautés d'origine migrante. Dans le quotidien américain « The Nation » du 2 février 2009, John Tirman du Center for International Studies du Massachusetts Institute of Technology écrivait sur la guerre contre l'Irak :
« La sixième anniversaire du début de la guerre approche... le bilan jusqu'à ce jour est : entre 800.000 et 1,3 million de 'excess deaths' (des morts causés par la violence guerrière)... entre 1 et 2 millions de veuves de guerre et 5 millions d'orphelins... 4,5 millions de gens en fuite... ».
Après cette nouvelle je n'ai vu aucun politicien occidental prendre son congé, ou peut-être ai-je manqué  le quotidien qui, le 3 février,  a édité une édition spéciale de deuil pour les victimes. Soyons honnête, les cadavres, les chiffres... ça ne nous trouble plus ; c’est comme si nous en avions déjà entendu parler mille fois.

5.1. Pas de pitié pour les terroristes
La stratégie de regrouper toute résistance sous le dénominateur commun de « fanatisme et terrorisme religieux islamique » n'a manqué son but ni dans les pays où les bombes sont tombées, ni dans l'opinion publique occidentale.
Les média et la politique nous ont appris que nous sommes en guerre, non pas avec des gouvernements reconnus ou des mouvements de libération, mais avec des terroristes barbares, des êtres déshumanisés, avec lesquels on ne parle ni ne négocie, qui ne doivent pas compter sur une pitié ou une solidarité quelconque, et ne sont point couverts par la  protection des lois internationales.
Après la deuxième guerre mondiale, le monde ne voulait plus jamais revoir les atrocités nazies. Entre autres sous la pression de l'Union Soviétique et d’un sentiment anti-guerre international, la Déclaration Internationale des Droits de l'Homme, les Conventions de Genève et d'autres accords internationaux furent approuvés. Mais pendant les guerres des pays occidentaux contre l'indépendance de leurs colonies, un tas de pratiques nazies se revivaient, et dans les pays colonisateurs mêmes les conséquences devenaient visibles. Dans la France colonialiste, par exemple, 400.000 migrants algériens furent les victimes de pogroms directement meurtriers au nom de la lutte contre le FLN algérien. Peu de français voulurent alors ou simplement osèrent protester contre cela. La lutte contre les 'terroristes algériens' provoquait aussi une rupture directe dans l’évolution vers le progressisme qui avait cours dans cette société depuis 1945, entre autres en matières pénales. Denis Salas écrivait : « Dans le pays-mère colonial les cours de droit commun devaient condamner les auteurs d'excitation 'terroriste'. En Algérie, la peine de mort et l'internement arbitraire furent élevés au rang de moyens de répression communs. La lutte contre le terrorisme et l'incarcération d'Algériens dans les années 60 causaient un durcissement des règles pénitentiaires. 'Sécurité' devenait de plus en plus une priorité absolue à un moment où les détenus nord-africains formaient un tiers de la population carcérale... La rupture d'avec une politique progressiste fut totale ». (La volonté de punir, essai sur le populisme pénal, page 37, Hachette Littératures 2005).
Vers la fin de la décolonisation, de larges couches de l'opinion publique occidentale s'étaient réconciliées, nolens volens,  avec l'idée que la lutte pour la survie et la liberté, par des peuples et mouvements nationaux de libération contre le colonialisme et l'impérialisme, était légitime et que les pratiques tortionnaires en Algérie, les exécutions de masse ou les bombes à l’« Agent Orange » au Vietnam et d'autres horreurs occidentales étaient inadmissibles. Une partie de l'opinion publique occidentale, d'abord la jeunesse, prenait même radicalement et ouvertement parti pour la résistance : Mai 68, la sympathie pour Che Guevara et Cuba, la joie au milieu des années 70 lors de la victoire vietnamienne sur l'Amérique, ou l'entrée de Yasser Arafat à l'ONU,... en étaient tous des  expressions. La guerre actuelle contre le terrorisme a provoqué une marche en arrière radicale et nous a menés à nouveau au point de départ : la vieille guerre coloniale, dans laquelle « les sauvages », « les incivilisés », « les communistes » d'alors sont appelés maintenant des « terroristes islamiques », est de retour. Comme alors, tous les moyens sont bons. Les noms de Guantanamo, Baghram, Abu Ghraib, Gaza font déjà partie de notre inconscient collectif; les évolutions progressistes dans la société, dont celles du domaine pénal depuis les années 60, ont été interrompues et les conséquences en sont visibles dans tous les pays européens.
La différence avec jadis est que la guerre et ses conséquences ne sont plus le fait du colonialisme d'un seul pays, mais de tout un continent. Ce qu'étaient les ouvriers étrangers algériens en France coloniale, c'est aujourd'hui la communauté d'immigrants du Moyen Orient et de l'Asie, dispersée dans tous les pays d'Europe. Comme dans la France coloniale de jadis, la protestation contre la criminalisation croissante dont ils sont victimes est bien faible. Une autre différence consiste dans le fait qu'aujourd'hui le « terrorisme » est assimilé au « fondamentalisme islamique » et à « Al-Qaeda », rendant ainsi complète la rupture d'avec l'opinion publique occidentale blanche progressiste. Auparavant « terreur » équivalait à « communisme », ce qui, en Europe, facilitait objectivement l'identification  et le soutien à la résistance au Tiers Monde, en raison de l'existence de l'Union Soviétique et des partis de masse communistes et socialistes.

5.2 Retournons à l'essence de la lutte palestinienne de libération  
Retourner vers la solidarité et mettre fin aux effets intérieurs désastreux sur les sociétés européennes demande de se pencher sur l'essence du conflit palestinien et sur la position de soutien à la lutte de libération nationale du peuple palestinien. Ce que l'Algérie signifiait pour la France, le Congo pour la Belgique, ou le Kenya et l'Irlande pour la Grande-Bretagne, est la Palestine d'aujourd'hui pour le continent européen. L'Europe progressiste de gauche doit retourner vers la période d'avant la « guerre contre la terreur », d'avant le pouvoir absolu des Etats-Unis comme unique superpuissance, et vers la position des pays du tiers-monde et de l'ONU de la période antérieure.
C'est la première Conférence afro-asiatique de pays non-alignés à Bandung (Indonésie) en avril 1955 qui a donné l'impulsion à une condamnation globale d'Israël et à un soutien à la lutte de libération palestinienne. 29 pays asiatiques et africains, dont beaucoup venaient justement de devenir indépendants, sous la direction de Nasser (Egypte), Chou en Lai (Chine), Ho Chi Minh (Vietnam), Soukarno (Indonésie), Nehru (Inde) participaient à la conférence qui avait pour but de stimuler la collaboration économique et culturelle entre leurs pays, et de lutter contre le colonialisme et l'impérialisme. Israël était exclu de la participation à la conférence et Gamal Abdel Nasser condamnait « l'ONU et l'Occident pour leur complicité à l'expulsion du peuple palestinien de la Palestine ». La Conférence afro-asiatique des Peuples au Caire et à Accra en 1958 et 1960 condamnait Israël comme « Etat néo-colonialiste ».  Aux conférences du Bloc Casablanca en 1961, Israël fut désigné comme « fer de lance du colonialisme ». Le 20 novembre 1963, l'Assemblée Générale des Nations Unies proclamait « the International Declaration on the Elimination of Racism and Racial Discrimination ». À la conférence tricontinentale de la Havane, en janvier 1966, à l'initiative de Mehdi Ben Barka, Che Guevara et Fidel Castro, à laquelle participaient 82 délégations de l'Asie, d'Afrique et de l'Amérique latine, les délégués se prononçaient, dans une motion, pour « un soutien total à l'organisation de libération palestinienne et à sa lutte pour libérer sa patrie », « l'Etat sioniste d'Israël fut condamné comme base de l'impérialisme, instrument d'agression et de pénétration économique, politique et culturelle dans les trois continents ». L'Assemblée Générale des Nations Unies et l'Organisation de l’Unité Africaine votaient en 1973 et 1975 les Résolutions condamnant le sionisme comme une forme de « colonialisme et racisme ». Le 13 novembre 1974, le « terroriste » Yasser Arafat tenait un discours devant l'Assemblée Générale des Nations Unies, dans lequel il condamnait le sionisme comme « une idéologie raciste, impérialiste et colonialiste ». Dans son discours, Arafat plaçait la cause palestinienne dans le cadre de la lutte de libération nationale des autres peuples dans le monde et défendait le principe d'un seul Etat démocratique palestinien, dans lequel les chrétiens, les juifs et les musulmans vivraient ensemble. Le 22 novembre 1974, l'Organisation de Libération de la Palestine devint la première organisation à être admise à l'assemblée générale des Nations Unies avec le statut d'observateur.
D'une lutte de libération reconnue sur le plan international dans les années 70 vers une lutte internationale contre la terreur aujourd'hui : nous nous sommes éloignés à des kilomètres des positions de principe et de solidarité d'alors. En 2009 on exige du Hamas : (1) de reconnaître le droit à l'existence d'Israël, (2) de renoncer à la lutte armée, (3) de souscrire aux Accords d'Oslo ! Aujourd'hui, le Hamas ne défend pas des positions très différentes de celles d'Arafat devant l'ONU en 1974. Il faudrait demander à la communauté internationale de souscrire à nouveau aux positions qu'elle clamait dans les années 70. S'appliquer à un retour vers un programme politique de principe et vers une reconnaissance de la résistance palestinienne, c.à.d. la décriminaliser et la rayer de la liste européenne des organisations terroristes. Voilà la première tâche d'aujourd'hui pour quiconque se dit progressiste. Cela peut être un premier pas vers un front européen entre les communautés de migrants et d’autres forces progressistes en Europe, aux côtés des forces de libération nationale en Palestine, ce qui mettra à terme une fin définitive et inévitable à la colonisation de la Palestine et à la guerre, de la même façon que cela s’est passé en 60-70 avec la guerre du Vietnam et dans les années 80-90 avec le système de l'apartheid.

6. Comment le Hamas est arrivé sur la liste européenne antiterroriste

6.1. En 1995 : La résistance palestinienne sur la liste américaine des organisations terroristes...
Le 14 décembre 1987, une semaine après le début de la première Intifada, la Fraternité Musulmane en Palestine formait une nouvelle organisation, le Hamas, avec comme but spécifique la lutte contre l'occupation israélienne. Ce qui explique aussi le nom du Hamas, abréviation de « harakat al-muqâwama al-'islâmiya » ou « Mouvement de résistance islamique ».
Après la première Intifada, les accords de paix d'Oslo entre Israël et les Palestiniens, dans le cadre de la Pax Americana, devaient forcer une pacification de la région. Ces accords, appelés « la terre pour la paix », étaient signés à Washington le 13 septembre 1993. Les accords contenaient une promesse politique : en échange de la reconnaissance d'Israël et du renoncement à la lutte armée, une période de cinq années commencerait à partir de 1994 pendant laquelle « l'aptitude des Palestiniens à se gouverner eux-mêmes serait   mise à l'essai ». Toutes les questions cruciales comme le droit des réfugiés au retour, le statut de Jérusalem, le contrôle des frontières, le démantèlement des colonies...ne seraient réglées qu'après ces cinq ans. Les accords avaient surtout un caractère économique et sécuritaire : ils devraient normaliser les relations économiques entre Israël et les pays arabes. Ainsi une Autoritié Palestinienne fut créée devant assurer, dès le jour même, le maintien de l'ordre dans le territoire palestinien (c’est-à-dire en clair : assurer que les attaques contre Israël cesseraient).
Les résultats des élections pour le parlement palestinien en 1996 montrèrent comment les  espérances étaient fortes : le Fatah remportait la majorité absolue (50 élus sur un total de 88) et Yasser Arafat fut élu comme président de l'Autorité Palestinienne avec 88,1 % des voix.
L'espoir fut de courte durée : pour les Palestiniens, cette Pax Americana infligée ne fut rien d'autre que la continuation et la légitimation de 50 ans d'injustice. Un mois après la conclusion des accords d'Oslo, en octobre 1993, une « Alliance de forces palestiniennes » fut formée par 10 partis palestiniens qui refusaient les accords, les considérant comme capitulation et soumission palestinienne. Les forces principales de l'Alliance furent le Hamas et le FPLP (le Front - marxiste - Populaire pour la Libération de la Palestine). En 2000, après 6 ans d'attente ne donnant que plus d'injustices, de provocations et de nouvelles colonies, le peuple palestinien balaya les accords d'Oslo par le biais d’une nouvelle Intifada.
La réaction d'Israël et des Etats-Unis au rejet des accords d'Oslo fut double : les opposants aux Accords de paix étaient mis sur une liste de terroristes et il fallait de nouvelles élections palestiniennes devant servir à créer une nouvelle légitimation pour les dirigeants palestiniens prêts à plus de concessions envers Israël et à plus d'actions contre la résistance radicale, que cela n’avait été le cas avec Arafat.
En janvier 1995, le président Clinton signait l’ “Executive Order 12947” (« Prohibiting Transactions with Terrorists Who Threaten to Disrupt the Middle East Peace Process »). Le Hamas et 11 autres organisations furent classés comme « organisations terroristes extérieures », et la confiscation de leurs avoirs aux Etats-Unis devenait possible. Ainsi cette « Specially designated Terrorist List » (STD) était particulièrement dirigée contre « des personnes et des organisations voulant obstruer le processus de paix au Moyen-Orient.». Une décision politique noir sur blanc devant en finir une fois pour toutes avec la résistance palestinienne radicale.
Cette liste officielle des Etats-Unis de 1995 contenait les organisations suivantes :

“TERRORIST ORGANIZATIONS WHICH THREATEN TO DISRUPT THE MIDDLE EAST PEACE PROCESS
1. Abu Nidal Organization (ANO)
2. Democratic Front for the Liberation of Palestine (DFLP)
3. Hizballah
4. Islamic Gama'at (IG)
5. Islamic Resistance Movement (HAMAS)
6. Jihad
7. Kach
8. Kahane Chai
9. Palestinian Islamic Jihad-Shiqaqi faction (PIJ)
10. Palestine Liberation Front-Abu Abbas faction (PLF-Abu Abbas)
11. Popular Front for the Liberation of Palestine (PFLP)
12. Popular Front for the Liberation of Palestine-General Command
13. (PFLP-GC)”

Il faut noter que Ben Laden et Al-Qaida ne figurèrent sur une liste américaine de terroristes que 4 ans plus tard, après avoir été rendus responsables des attentats contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar Es Salaam en 1998. Le classement du Hamas sur la liste anti-terreur n'a donc rien à voir, comme on le pense souvent, avec une organisation comme Al-Qaida, ni avec les attentats contre le WTC (2001), Madrid (2004) ou Londres (2005). Car le Hamas n'est pas une organisation pour le « Jihad global », mais une organisation nationale palestinienne de libération. Pendant toute son histoire, le Hamas n'a jamais entamé une action quelconque en dehors du territoire palestinien occupé, et il n'a jamais non plus, dans ou en dehors de la Palestine,  pris un seul occidental comme cible.
Sous inspiration américaine le Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptait en 1999 la résolution 1267, avec une liste d'organisations et de personnes terroristes liées au Talibans et à Al-Qaida. Cette résolution était surtout destinée à forcer les Talibans afghans à extrader Oussama Ben Laden, après que Washington l’a accusé d'être l'instigateur des attentats à la bombe contre ses ambassades en Afrique. La résolution obligeait les pays à trois choses : gel des avoirs financiers de toutes les personnes sur la liste, défense de livrer des armes aux concernés, et défense de pénétrer dans ou de quitter le territoire du pays. Il s'agissait de 142 individus associés aux Talibans, 253 individus associés à Al-Qaida, et 112 unités, groupes ou établissements associés à Al-Qaida.
Les EU et Israël mirent les Nations Unies sous pression pour que le Hamas soit mis aussi sur la liste onusienne des organisations terroristes, et pour arriver à une seule liste ONU des organisations terroristes dans le monde. Mais les Nations Unies refusèrent. L'Europe par contre suivit bel et bien cette voie américaine et israélienne, même si on disposait de tous les éléments pour se rendre compte que le Hamas n'avait rien à voir avec les attentats d'Al-Qaida. Et en ce qui concerne les Talibans, l'Europe savait parfaitement que le Hamas n'aspirait pas du tout à un régime du type taliban. Deux exemples. Pour commencer, déjà en 1989, dans une interview pour le quotidien libanais Al-Nahar, le Sheikh Yassin, dirigeant politique et spirituel du Hamas, déclarait : « Je suis partisan d'un Etat démocratique à plusieurs partis, et je veux que le parti qui gagne les élections, qui que ce soit, exerce le pouvoir ». Al-Nahar : « Mais quelle serait votre position si le parti communiste gagnait les élections ? ». Sheikh Yassin : « Je respecterais la volonté du peuple palestinien, même si le parti communiste gagnait ». Sur l'administration du Hamas d'après les élections, le professeur Henry Siegman, directeur du US Middle East Project à New York, et ancien directeur national du American Jewish Congress, écrivit entre autres : « Des musulmans non-pratiquants, des chrétiens et d'autres minorités sous le régime du Hamas ont plus de liberté religieuse que par exemple en Arabie Saoudite, ou sous beaucoup d'autres régimes arabes... » (London Review of Books, 29 janvier 2009).

6.2.  En 2001: la résistance islamique palestinienne sur la liste européenne. 
La « global war on terror » (GWAT), déclenchée par l'administration Bush après le 11 septembre 2001, a accéléré les choses. Avec la GWAT, l'Occident regroupait tous les mouvements de résistance radicaux sous un dénominateur commun : Ben Laden, le Hamas, le Hezbollah, les Talibans, le Jihad islamique..., tout cela formait un seul et unique réseau-de-terreur-11-septembre. Le 11/9 ouvrait la porte à la criminalisation de la résistance palestinienne en Europe. Immédiatement après le 11/9 les organisations palestiniennes portant dans leur nom « Jihad » ou « Islamique » étaient mises sur la liste :  le Jihad Islamique Palestinien et Hamas-Izz al-Din al-Qassem (la branche terroriste du Hamas). Et cela même si l'histoire, les buts et objectifs, la stratégie et la tactique des uns, n'ont rien à voir avec celles des autres. Par exemple la démocratie chrétienne européenne ne peut être mise dans le même sac que les chrétiens du Ku Klux Klan.
Trois mois après l'attentat du 11 septembre, le 27 décembre 2001, l'Europe arrêtait sa « Position commune du Conseil relative à l’application de mesures spécifiques  en vue de lutter contre le terrorisme ». Il s'agissait d'une déclaration de principe, des mesures destinées à couper le financement d'organisations terroristes ainsi que d’une première liste de ces organisations terroristes. Ces organisations sont les suivantes:

“1. Continuity Irish Republican Army (CIRA)
2. Euskadi Ta Askatasuna/Tierra Vasca y Libertad/Basque Fatherland and Liberty (E.T.A.)
(De volgende organisaties maken deel uit van de terroristische groep E.T.A.: K.a.s, Xaki; Ekin, Jarrai-Haika-Segi, Gestoras Pro-amnistía)
3. Grupos de Resistencia Antifascista Primero de Octubre/Antifascist Resistance Groups First of October (G.R.A.P.O)
4. Hamas-Izz al-Din al-Qassem (terroristische tak van de Hamas)
5. Loyalist Volunteer Force (LVF)
6. Orange Volunteers (OV)
7. Palestijnse Islamitische Jihad (PIJ)
8. Real IRA
9. Red Hand Defenders (RHD)
10.Revolutionary Nuclei/Epanastatiki Pirines
11. Revolutionary Popular Struggle/Epanastatikos Laikos Agonas (ELA)
12. Revolutionary Organization 17 November/Dekati Evdomi Noemvri
Ulster Defence Association/Ulster Freedom Fighters (UDA/UFF)”

La pression afin de mettre tout le Hamas sur la liste des organisations terroristes, comme aux Etats-Unis, n’a fait dès lors que s’amplifier. Jusqu'au milieu de 2003 il restait encore quelques réticences. Ainsi le ministre hollandais des Affaires étrangères, De Hoop Scheffer, disait encore le 18 mars 2003 : « En ce qui concerne le Hamas il faut distinguer l'organisation politique et la branche terroriste, Hamas-Izz al-Din al-Qassem. La branche terroriste est tenue pour responsable d’un grand nombre d'attentats en Israël et dans les territoires palestiniens, et se trouve dès lors sur la liste de blocage européenne depuis le 27 décembre 2001. Pour le moment, il n'y a aucune preuve que le Hamas soutienne les brigades al-Qassam financièrement. L'organisation politique joue un rôle humanitaire dans les territoires palestiniens, où elle subvient entre autres aux besoins scolaires et aux traitements médicaux. En outre, le Hamas joue un rôle politique dans les négociations sur un cessez-le-feu palestinien. C'est pourquoi les Pays-Bas sont contre le  classement de la branche politique du Hamas sur la liste de blocage européenne.».

6.3. En 2003: toutes les organisations de résistance palestinienne sur la liste antiterroriste
En 2003 la guerre américaine contre l'Irak commençait et la pression était devenue si grande qu’on allait vers la criminalisation toutes vannes ouvertes. Le but n'était plus du tout de nous protéger, par le biais d’une liste anti-terreur, contre de nouveaux « attentats terroristes islamiques » à la 11/9, mais on exploitait l’opportunité bienvenue d'éliminer toutes les organisations de libération du monde. Et il s'ensuivit ceci : depuis 2003, toutes les organisations de libération palestinienne ainsi que tous les résidus d'une résistance communiste dans le monde figurent désormais sur la liste européenne des organisations terroristes, du PC philippin au FARC colombien et au DHKP-C turc... Et enfin, après qu’ils ont insisté si longtemps, satisfaction était donnée à Israël et aux Etats-Unis le 13 septembre 2003 : aussi bien la branche militaire que le mouvement politique du Hamas figuraient désormais sur la liste européenne des organisations terroristes sous le nom de : « Hamas (y compris le Hamas-Izz al-Din al-Qassem) ». En outre, le Front Populaire pour la libération de Palestine (FPLP), le Front pour la Libération de la Palestine (FLP), le Front Populaire pour la Libération de Palestine – Commandement général (FPLP – Commandement général), la Brigade des Martyrs Al-Aqsa (originaire du Fatah). Pour la première fois, des organisations humanitaires figuraient sur la liste : le Holy Land Foundation, la « Fondation Al-Aqsa » (alias « Fondation Al-Aqsa Pays-Bas », alias « Al-Aqsa Pays-Bas »). Le 13 septembre 2003, la liste européenne se composait donc des 34 organisations ci-dessous.

Liste des organisations sur la liste européenne (13 septembre 2003)
Un astérisque devant le nom signifie que l'organisation en question n'est atteinte que par une partie des sanctions prévues.
1. Organisation Abou Nidal (Conseil révolutionnaire du Fatah, Brigades révolutionnaires arabes, Septembre noir, et Organisation révolutionnaire des musulmans socialistes)
2. Brigade des martyrs Al-Aqsa
3. Al-Takfir et al-Hijra
4. Aum Shinrikyo (AUM, Aum Vérité suprême, Aleph)
5. Babbar Khalsa
6. * Continuity Irish Republican Army (CIRA)
7. * Euskadi Ta Askatasuna/Tierra Vasca y Libertad/Pays basque et liberté (ETA) [les organisations ci-après font partie du groupe terroriste ETA: K.a.s., Xaki, Ekin, Jarrai-Haika-Segi, Gestoras pro-amnistía, Askatasuna, Batasuna (alias Herri Batasuna, alias Euskal Herritarrok)]
8. Gama'a al-Islamiyya (Groupe islamique), (Al-Gama'a al-Islamiyya, IG)
9. * Grupos de Resistencia Antifascista Primero de Octubre/Groupes de résistance antifasciste du 1er octobre (GRAPO)
10. Hamas (y compris Hamas-Izz al-Din al-Qassem)
11. Holy Land Foundation for Relief and Development (Fondation de la Terre sainte pour le secours et le développement)
12. International Sikh Youth Federation (ISYF)
13. Kahane Chai (Kach)
14. Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK)
15. Lashkar e Tayyaba (LET)/Pashan-e-Ahle Hadis
16. * Loyalist Volunteer Force (LVF)
17. Mujahedin-e Khalq Organisation (MEK ou MKO) [moins le «Conseil national de la Résistance d'Iran» (NCRI)], (Armée nationale de libération de l'Iran (la branche militante de la MEK), les Mujahidines du peuple d'Iran, la Société musulmane des étudiants iraniens)
18. New People's Army (NPA), Philippines, liée à Sison Jose Maria C. (alias Armando Liwanag, alias Joma, responsible de la NPA)
19. * Orange Volunteers (OV)
20. Front de libération de la Palestine (FLP)
21. Jihad islamique palestinienne
22. Front populaire de libération de la Palestine (FPLP)
23. Front populaire de libération de la Palestine — Commandement général (FPLP-Commandement général)
24. * Real IRA
25. * Red Hand Defenders (RHD)
26. Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC)
27. * Noyaux révolutionnaires/Epanastatiki Pirines
28. * Organisation révolutionnaire du 17 novembre/Dekati Evdomi Noemvri
29. Armée/Front/Parti révolutionnaire populaire de libération (DHKP/C), (Devrimci Sol (Gauche révolutionnaire), Dev Sol)
30. * Lutte populaire révolutionnaire/Epanastatikos Laikos Agonas (ELA)
31. Sentier lumineux (SL) (Sendero Luminoso)
32. Stichting Al Aqsa (alias Stichting Al Aqsa Nederland, alias Al Aqsa Nederland)
33. * Ulster Defence Association/Ulster Freedom Fighters (UDA/UFF)
34. Forces unies d'autodéfense de Colombie (Autodefensas Unidas de Colombia — AUC)

Beaucoup de gens se demandent s'il y avait une argumentation spécifiquement européenne pour mettre les organisations palestiniennes sur la liste. Elle n'existait pas.

7. Les conséquences pour la résistance

7.1. L'exécution extrajudiciaire de cadres
Mis sur la liste des terroristes, les dirigeants du Hamas et d'autres organisations palestiniennes radicales sont également mis hors la loi. Ce qui était déjà la pratique d'Israël ; la différence étant que les listes de terroristes donnaient maintenant une légitimité internationale officielle et qu'on ne devrait plus avoir peur d'un refus. Ce qui impliquait qu'Israël pouvait impunément tuer des cadres du Hamas par le biais des « exécutions extrajudiciaires », c.à.d. « l'assassinat direct de supposés terroristes » (« targeted killing of suspected terrorists »), ce qui est une sorte d'application sur les individus du principe américain de « pre-emptive strike » contre l'Irak. L'assassinat de la cible a lieu au moyen d'attentats à la bombe ou de missiles allant droit au but. L'empoissonnement aussi est une arme : en 1997, une tentative d'Israël de liquider le dirigeant du Hamas Khaled Meshaal au moyen d'une injection de poison a échoué, et Israël a été obligé de livrer l'antidote.
Selon le PCHR, le Centre Palestinien pour les Droits de l'Homme, l'armée israélienne et les services de sécurité ont effectué, entre septembre 2000 et janvier 2008, 705 exécutions de ce type ; 478 de ces victimes furent des cibles effectives alors que 227 civils et 68 enfants sont à classer au rang de « dommages collatéraux ». Parmi les cibles et victimes effectives : Abu Ali Mustapha (1938-2001), remplaçant de Georges Habash et secrétaire général du FPLP ; Salah Shehade, dirigeant de la branche militaire du Hamas (1953-2002) ; Ismail Abu Shanab (1950-2003), négociateur en chef pour le Hamas pour un cessez-le-feu avec Israël ; Sheikh Yassin, dirigeant spirituel et politique du Hamas (1936-2004) ; le docteur Abdul-aziz al-Rantisi (1947-2004), le plus haut responsable du Hamas à Gaza. Quand Sheikh Ahmed Yassin fut assassiné le 22 mars 2004, 20 cadres du Hamas avaient été tués de la même manière dans les six mois avant sa mort. Moins d’un mois après sa mort, le 17 avril 2004, son successeur Rantissi fut assassiné par Israël.

7.2. Le sabotage des élections démocratiques
En 1996, le Hamas n’avait pas participé aux élections dans lesquelles il voyait la continuation des accords d'Oslo. Mais en 2005, le Hamas avait participé quand même et déjà remporté une première victoire en recueillant deux tiers des voix aux élections communales. Lors des élections syndicales et pour les conseils estudiantins, le Hamas avait fait de très bons résultats aussi. En 2006, le Hamas a décidé de participer aux élections pour le parlement palestinien. En fait, en agissant de la sorte, le Hamas se plaçait dans le cadre des accords d'Oslo. Mais, pour Israël et l'Occident, cela ne changeait rien à la question. Ils feraient tout, aussi bien financièrement que diplomatiquement, pour faire gagner le Fatah et faire le plus possible obstacle au Hamas. En décembre 2005, la Chambre des Représentants américaine, dans une Résolution, menaçait l'Autorité Palestinienne de diminuer les fonds alloués si « l'organisation terroriste pouvait participer aux élections ». Tous les groupes voulant participer aux élections devaient « être désarmés et reconnaître le droit à l'existence d'Israël ». L'Autorité Palestinienne a refusé cette exigence.

Les résultats des élections pour le Parlement palestinien du 25 janvier 2006, avec un degré de participation de 75 %, et 10 ans après la victoire électorale du Fatah, ont éclaté comme une bombe : le Hamas (liste « Change and Reform ») remportait 74 sièges, le Fatah 43 sièges, le FPLP 3 sièges, Badil 2 sièges, Palestine indépendante 2 sièges, Troisième Voie 2 sièges, indépendants/autres 4 sièges.

Comment expliquer ce résultat ?
Il y a plusieurs explications. Il y avait certes un facteur religieux. Mais il y avait surtout deux autres facteurs. D'une part, le Hamas émergeait comme le continuateur de la lutte de résistance palestinienne entamée dans les années 60. Le Hamas était le parti qui rejetait les accords d'Oslo, qui n'était pas corrompu et qui assistait la population avec son réseau d'écoles, de cliniques et de supports financiers. D'autre part, le Hamas se trouvait face à une gauche grandement compromise par sa soumission devant Israël et sa corruption interne.
Dans une interview du 19 février 2006, le poète palestinien Mahmoud Darwish disait à propos du résultat des élections : « Si demain on organisait des élections libres dans le monde islamique arabe, les islamistes gagneraient partout, c'est aussi simple que ça ! Dans ce monde un profond sentiment d'injustice est très vivant, et l’Occident est perçu comme responsable. Je suis abasourdi de l'ignorance généralisée de l’Occident en ce qui concerne l'islam politique. Pour donner un exemple : les salafistes et le Hamas diffèrent beaucoup. Le Hamas est avant tout un mouvement nationaliste, basé sur une vision religieuse. Mais l'Occident préfère voir l'Islam politique comme un seul bloc... Le vote pour le Hamas était plutôt une protestation qu'un vote uniquement religieux ».
La liste du Hamas, « Change and Reform » a remporté 74 des 132 sièges. Parmi ses élus se trouvaient, entre autres, 1 chrétien et 6 femmes. Plus de 40 de ces élus furent kidnappés et écroués sans aucune forme de procès dans des prisons israéliennes.

7.3. Le boycott international
La présence sur la liste des organisations terroristes implique (selon l'article 3 de la position commune européenne) que la Communauté Européenne est obligée de veiller à ce  « qu'aucun fonds ne puisse, directement ou indirectement, être mis à la disposition » d'un groupe terroriste, dont le Hamas. L' Europe s’est basée là-dessus pour annuler son aide au gouvernement palestinien nouvellement élu, et a décidé de participer à un boycott économique, financier, politique et diplomatique international et total de la part des Etats-Unis et de l'Europe, contre le gouvernement palestinien dirigé par le Hamas. Javier Solana a légitimé cette décision en stipulant que « nos lois exigent que nous nous abstenions à tout prix de financer des activités terroristes » (dans Al Hayat du 24 avril 2006). Notre ministre belge de la Coopération au développement (!), Armand De Decker, le justifiait à la Chambre comme suit : « Le Conseil Européen a fait savoir aussi aux Palestiniens que, s'ils veulent encore recevoir du soutien de la part de l'Union Européenne, le gouvernement futur devra reconnaître l'Etat d'Israël, renoncer à la lutte armée et au terrorisme, et respecter les accords d'Oslo et le plan phasé... Tout le monde connaît le point de vue du gouvernement belge. D'abord nous sommes tous co-responsables de la fondation de l'Etat d'Israël en 1948. C'est pourquoi il est d'une importance fondamentale de nous tenir aux promesses que nous avons souscrites alors » (2 février 2006). Selon le ministre belge des Affaires étrangères, on est parvenu, le 10 avril 2006, sous insistance belge, à une position européenne commune pour le contact avec « les nouvelles institutions palestiniennes » : « Des contacts politiques avec le gouvernement du Hamas sont exclus... Des contacts fonctionnels avec l'Autorité Palestinienne sur le plan des fonctionnaires sont possibles si ces contacts se limitent au niveau technique ou administratif ou sont nécessaires dans le cadre d'une mission de l’Union Européenne.... ».
La France, après avoir loué « la maturité démocratique du peuple palestinien pendant les élections qui se sont déroulées calmement et bonnement », posait ce regard sur le résultat des élections : « Le Hamas reste sur la liste des organisations terroristes établie par l'Union Européenne. La France a fait sans cesse appel à toutes les forces palestiniennes pour qu’elles s’intègrent au jeu politique, renoncent à l'usage de la violence d'une manière explicite et publique, et reconnaissent l'existence de l'Etat d'Israël. »
La conséquence directe du boycott international a été : suppression des salaires pour plus de 100.000 enseignants, médecins, fonctionnaires, troupes de sécurité palestiniennes... qui, globalement, étaient garants des moyens de survie d'à peu près 1 million d'êtres humains.
Le 21 mai 2008 l'ancien Président américain Jimmy Carter écrivait : « Le traitement terrible des Palestiniens par Israël, avec le soutien des Etats-Unis, a été à son zénith après la victoire électorale du Hamas au Parlement palestinien en 2006. Tous les observateurs internationaux ont évalué ces élections comme honnêtes et correctes. Mais Israël et les Etats-Unis ont refusé aux Palestiniens le droit à la formation d'un gouvernement d’union entre le Hamas et le Fatah. Il s’en est suivi une lutte interne et dès lors le Hamas seul a contrôlé Gaza. 41 des 43 candidats du Hamas vivant en Cisjordanie et élus se trouvent pour le moment dans des prisons israéliennes, ainsi que 10 autres qui exerçaient des fonctions dans le cabinet de coalition de courte durée... Aujourd'hui (7 mois avant l'attaque contre Gaza !, LV) le monde est le témoin d'un crime terrible contre l'humanité perpétré à l’encontre de la population de Gaza, où 1,5 millions d'êtres humains sont emprisonnés sans aucune issue, que ce soit par terre, air ou mer. »

7.4. Le putsch
Quand il s’est avéré que le boycott n'avait pas l'effet attendu et qu'une insurrection interne contre le Hamas ne se produisait pas, on est passé à l'organisation d'un putsch militaire. Parmi d’autres, le magazine américain Vanity Fair (avril 2008) a publié, documents à l'appui, la preuve d'une tentative de putsch par le responsable palestinien du Fatah et dirigeant de la sécurité à Gaza, Mohammad Dahlan. Le putsch était monté sous l’instigation des Américains, des Israéliens et de la fraction de l'Autorité palestinienne collaborant avec eux. En juin 2007, le Hamas intervenait. Il chassait les putschistes et établissait son pouvoir absolu à Gaza qui était ainsi définitivement coupé du reste du monde.

7.5. 'Enemy entity'
Le 19 septembre 2007, le cabinet israélien déclarait Gaza  « entité ennemie ». Gaza devenait littéralement une prison où 1,5 millions de palestiniens purgeaient une peine collective et d'où il était impossible de s'échapper. Priée de commenter cela, Condoleezza Rice répondit : « Gaza est une entité ennemie pour nous également ». Gaza devenait un ghetto, où la faim, les enfants sous-alimentés, les hôpitaux sans médicaments devenaient peu à peu la norme.  En novembre 2008, le Comité International de la Croix-Rouge produisit un rapport alarmant sur la situation dans cette « entité ennemie » : « sous-alimentation chronique pour 70 % des 1,5 millions d'êtres humains de la bande de Gaza ; 46 % des enfants souffrent d'anémie parce que leurs parents ne sont pas capables de les nourrir suffisamment ; accroissement alarmant du retard dans le développement, et de troubles mentaux, surdité largement répandue parmi les enfants par suite des franchissements du mur du son d’avions survolant Gaza à basse altitude.... ». Des organisations humanitaires faisaient leur possible et tiraient la sonnette d'alarme en publiant des dépêches, en organisant des conférences et en projetant des images vidéos. Le monde était au courant de ce qui était en train de se faire à Gaza.

7.6. Feu vert de la part de l'Europe et de l'OTAN à l'attaque contre Gaza...
Les protestations contre le blocage de Gaza n’ont rien changé à la situation sur place et rien non plus à l'amitié privilégiée avec Israël. Bien au contraire.
La ministre israélienne Tzipi Livni a participé au Sommet européen des ministres européens des Affaires étrangères les 2 et 3 décembre 2008. L’Union Européenne y a décidé de « réévaluer ses relations avec Israël », contrant un vote négatif du Parlement européen. L'Europe était déjà le partenaire commercial le plus important d'Israël (pour une valeur commerciale de plus de 20 milliards d'euros), et, avec la décision de valorisation, on activerait des négociations accélérées dans trois domaines : « collaboration diplomatique accrue, participation d'Israël à des plans et agences européennes, et intégration possible d'Israël dans le marché unifié européen ».
Le 2 décembre 2008 Livni concluait en un seul coup un nouvel accord avec l' OTAN. Il vaut la peine de s'arrêter un moment à la question militaire : en Occident tout le monde est au courant des « missiles Hamas ou Qassam » par lesquels Israël serait terrorisé et qui seraient introduits subrepticement par des tunnels... Mais peu de gens savent avec quel genre d'armes l'Occident a armé Israël jusqu'aux dents. D'abord les Etats-Unis, mais aussi l'Union Européenne. Selon le rapport de l’Union Européenne sur les licences d'exportations d'armes, publié en décembre 2007, 18 Etats-membres européens ont donné, pour la seule année 2007, un total de 1018 licences pour des armes destinées à Israël, représentant un montant total de 199 409 348 euros.
Le EUobserver a étudié et en a tiré l’analyse chiffrée suivante : « La France, l'Allemagne et la Roumanie sont les trois plus grands exportateurs d'armes vers Israël. La France pour 126 millions d'euros, l'Allemagne pour 28 millions d'euros et la Roumanie pour 17 millions. La Bulgarie, l'Allemagne, la Pologne, la Roumanie et la Grande-Bretagne ont exporté en 2007 pour 12 millions d'euros de petites armes et munitions vers Israël. 23 millions d'« armes légères », c.à.d. des bombes, des torpilles et explosifs, furent livrées par la Tchéquie, l'Allemagne, la Roumanie et la Slovénie. La Belgique, la France et la Roumanie ont livré pour 18,5 millions d'euros de matériel militaire destiné à la force aérienne. De l'équipement électronique à usage militaire, une quatrième catégorie d'armes, très large, pour une valeur de 94 millions d'euros fut livré par la France (89 millions d'euros) et l'Allemagne (5 million d'euros). Pour le reste des 200 millions d'euros, il s'agit d'armes ne tombant pas sous les catégories précitées... ».
La question se pose : quand ce tunnel européen de livraisons d'armes, pas du tout souterrain, sera-t-il fermé... ?
Mais, comme nous le disions, un nouvel accord a été signé le 2 décembre.
L'Observatoire de l'Otan a communiqué à ce sujet : « L'association préférentielle entre Israël et l'OTAN a assuré le gouvernement israélien de son impunité. La ministre israélienne Tzipi Livni a rencontré, début décembre 2008, les responsables de l'OTAN, et conclu un accord qui « renforce et élargit les liens de sécurité et diplomatiques entre Israël et l'OTAN ». De tels accords permettent une collaboration plus étroite, surtout sur le plan de « la lutte contre le terrorisme, l'échange d'informations sécuritaires, l'intensification de l'entraînement militaire commun et l'action contre la prolifération d'armes atomiques ». Livni disait de cet accord de décembre : « Cet accord est l'expression pratique des valeurs et responsabilités communes partagées par les nations libres afin de protéger la sécurité dans le monde. Il s'agit d'une reconnaissance authentique de la contribution spéciale livrée par Israël dans la lutte internationale contre l'extrémisme ». Quelques jours après sa visite européenne, Livni précisait involontairement ce qu'elle entendait par « valeurs communes, nations libres » et autres beaux concepts, quand, à une conférence de presse en Israël le 11 décembre 2008, elle lançait un appel explicite au nettoyage ethnique : « les aspirations nationales des habitants palestiniens d'Israël, eux que nous appelons des Israéliens arabes, sont ailleurs, c.à.d. dans un Etat palestinien... Ainsi le caractère juif et démocratique de l'Etat d'Israël sera assuré  » !
« La réévaluation des relations avec Israël », aussi bien sur le plan économique que militaire, en décembre 2008, à un moment donc où Gaza était quasiment en train de mourir devant les yeux du monde et trois semaines avant le déclenchement de l'offensive israélienne contre Gaza, ne peut s’interpréter autrement que comme un feu vert que l’Union Européenne et l’OTAN ont donné à Israël avant son attaque contre Gaza, pour ne pas dire « incitation » ou « encouragement »

8. Guerre totale
Le 19 juin 2008 on était parvenu à un cessez-le-feu entre Palestiniens et Israël afin d'alléger le blocage de Gaza. Cette trêve, observée scrupuleusement par le Hamas (pas un seul Israélien n’est mort pendant l'armistice), n’a rien changé : l'étranglement de Gaza a continué tel quel. Les conditions de vie de la population n’ont pas cessé de régresser pendant les six mois du cessez-le-feu, et une solution politique semblait plus loin que jamais. La trêve n'était pas un pas vers des pourparlers politiques sérieux ; le but restait de retourner la population de Gaza contre ses dirigeants. C'est l'armée israélienne qui, lors d’une incursion meurtrière dans Gaza les 4/5 novembre 2008 a tué six membres du Hamas et a mis ainsi fin au cessez-le-feu. Le Hamas devait choisir : vivre le processus d'une mort lente mais certaine de Gaza, ou bien refuser un nouveau cessez-le-feu et se rendre compte qu'une confrontation militaire s'ensuivrait. Le Hamas a choisi la seconde option. Fin décembre 2008, la guerre totale a donc pu réaliser enfin ce pourquoi le tout avait été entamé sans succès jusqu’ici : l'élimination du Hamas.
Avec des avions de guerre F-16 américains, des hélicoptères Apache, des bombes au phosphore blanc, des bombes DIME, des bateaux de guerre et de l'équipement militaire fabriqué en Europe, l'armée israélienne a détruit des maisons, l'université, des écoles, des hôpitaux, des bâtiments de l'ONU, des bureaux de police, des terrains agricoles, des  ponts et des tunnels nécessaires pour se procurer de l'alimentation en Egypte. Le magazine médical The Lancet (2 février 2009) a écrit : « Pendant la période du 27 décembre 2008 jusqu'au cessez-le-feu du 18 janvier 2009, d'après des estimations, un million et demi de tonnes de bombes et d'explosifs ont été largués sur la bande de Gaza ». Ce qui veut dire, pour un territoire de 360 km² d'étendue, 5 kg par m². Le bilan provisoire du côté palestinien est de plus de 1300 morts, dont 410 enfants, plus de 6000 blessés, 840 000 enfants extrêmement stressés, 100 000 habitants de Gaza sans abri. Le Centre Palestinien pour les droits de l'homme (PCHR) mentionne pour la même période : « La force d'occupation israélienne a pris pour cibles des ambulances, des véhicules civils et des services d'aide, elle a rasé 2400 maisons, démoli 28 établissements publics, dont des bâtiments de ministères, des maisons communales, des conseils régionaux, le conseil législatif et des ports de pêche ; à côté de cela : 21 salles de mariage, des hôtels et installations touristiques, 30 mosquées entièrement et 15 autres partiellement, 10 offices d'organisations caritatives, 121 établissements industriels et commerciaux entièrement et 200 partiellement, 5 usines pour la fabrication de béton et une usine pour la fabrication de jus de fruits, 5 centres médicaux et 2 établissements médicaux, 29 écoles entièrement ou partiellement, 60 postes de police et commissariats… ». Selon le ministère de l’Agriculture palestinien, que les troupes d'occupation israéliennes « ont détruit  60 % des terres arables ». Selon l'ONU, ces mêmes troupes « ont laissé derrière elles 600 000 tonnes de décombres ».
Des centaines de palestiniens soupçonnés d'être membres du Hamas ont été enlevés par  l'armée israélienne pendant la guerre de Gaza comme « combattants illégaux », le nom donné à Guantanamo aux suspects de terrorisme : sans droit à une mise en accusation ou à un procès, ou au statut de prisonnier de guerre. Ce nouveau groupe de prisonniers s'ajoute aux autres 10 000 prisonniers palestiniens en Israël.

8.1. La législation anti-terroriste et la privation de l'aide humanitaire
Dans les milieux solidaires de la cause palestinienne, on entend parfois dire qu'on ne veut pas s'exprimer politiquement sur le Hamas, mais qu'on veut seulement intervenir humanitairement et soulager ainsi la misère de la population civile à Gaza. D'un point de vue humanitaire cela est défendable, seulement il faut se rendre compte du fait que la politique anti-terreur occidentale, dirigée contre le Hamas, a également touché le travail humanitaire en faveur de la Palestine dans nos pays, comme une activité criminelle.
Le fait d’avoir mis le Hamas sur la liste des organisations terroristes a signifié qu'à partir de 1995 il devenait illégal, aux Etats-Unis, d’apporter un soutien quelconque à un projet humanitaire ou à une organisation palestinienne quelle qu’elle soit, dès lors qu'il y avait un lien avec le Hamas. Même si les projets palestiniens en cause ou les organisations humanitaires ne s'occupaient que de l'accueil d'orphelins et ne se trouvaient pas sur la liste terroriste. Ce n'était donc pas uniquement l'instauration d'un blocage international de toute aide financière directe au Hamas ; des organisations humanitaires islamiques, soutenant le Hamas par le biais de son travail humanitaire, furent mises hors la loi pour « soutien à une organisation terroriste ».

8.2. La Holy Land Foundation
L'attaque contre l'aide humanitaire commença aux Etats-Unis. En décembre 2001, les bureaux de la plus grande ONG humanitaire islamique en Amérique, la « Holy Land Foundation for Relief and Development »  (HLF), fondée en 1987, furent fermés et tous ses fonds gelés, sans procès et sans qu’aucune raison n’ait été avancée. L'organisation s'occupait d'alimentation, d'aide médicale, d'abris pour des enfants et familles, entre autres au Moyen Orient. Il a suffi que Bush, lors d'une conférence de presse, accuse l'organisation d'être « une organisation de front du Hamas » pour faire arrêter toute activité. Trois ans plus tard, en 2004, l'inculpation fut officiellement signifiée. Les responsables de la HLF étaient accusés d'avoir « aidé le Hamas financièrement après que les Etats-Unis aient désigné le Hamas comme une organisation terroriste ». Encore trois ans plus tard, en 2007, le procès contre la HLF commençait. Le plus grand procès en matière de « financement du terrorisme » que les Etats-Unis aient jamais connu. L’accusation ne prétendit pas du tout que l'ONG ou un de ses responsables auraient été coupables d'actes de violence, ni comme participants, ni comme financiers.  Elle affirma seulement devant le jury que « l'organisation humanitaire envoyait de l'argent aux écoles, hôpitaux et programmes d'aide sociale contrôlés par le Hamas, un groupe se trouvant depuis 1995 sur la liste des organisations terroristes ». Fin novembre 2008 (un mois avant l'invasion de Gaza), l'ONG fut déclarée coupable de financement du « terrorisme islamique » parce qu’elle avait envoyé des millions de dollars à une « organisation indiquée par les Etats-Unis comme une organisation terroriste ». Les cinq responsables, Ghassan Elashi, Shukri Abu-Baker, Mufid Abdulqader, Abdulrahman Odeh, Mohammed El-Mezain furent reconnus coupables. Ils furent condamnés respectivement à la réclusion perpétuelle, à la réclusion perpétuelle, à 55 ans, à 55 ans et à 15 ans de prison. Ashcroft claironna : « Aujourd’hui, les terroristes ont encore perdu une source de financement et de soutien pour leurs bombes et bains de sang ».
L'affaire est en appel pour le moment.
Aux Etats-Unis, les exemples hallucinants sont légion. Ainsi le professeur Abdelhaleem Ashqar de la Howard University, âgé de 48 ans, fut inculpé en 2004 avec deux autres personnes de « financement du Hamas ». En attente de son procès, il fut soumis à 2 ans de résidence forcée avec un bracelet de cheville électronique. En dernier lieu il fut acquitté. Mais, parce qu'il refusait de témoigner devant un grand jury sur les activités du Hamas, il fut finalement condamné à 11 ans en 2007 ! Devant le tribunal, Ashqar avait déclaré qu'on « ne pouvait pas attendre de lui d'aider Israël dans sa lutte contre ses frères palestiniens », et qu'il « refusait de vivre comme un traître ou un collaborateur ».

8.3. Al Aqsa Stichting Nederland (Fondation al Aqsa aux Pays-Bas)
La décision de mettre al-Aqsa Pays-Bas sur la liste européenne des organisations terroristes date de juin 2003. La Fondation al-Aqsa, située à Heerlen, est une organisation islamique d'entraide avec une mission humanitaire, fondée en 1993. Elle se consacre à « donner de l'aide et améliorer la situation de vie des Palestiniens vivant aux Pays-Bas, et aussi à l'aide aux Palestiniens dans les zones occupées par Israël. À cette fin, elle collabore avec plusieurs organisations en Israël et dans les territoires occupés, auxquelles elle donne de l'aide financière pour des projets humanitaires. Ses plus grands projets concernent des orphelins. Al-Aqsa se déclare politiquement indépendante et déclarait qu'elle avait reçu en 2001-2002  à peu près 1 million d'euros de donations.
Après avoir été mise sur la liste de terroristes l’organisation vit tous ses avoirs gelés sur décision du ministre des Affaires étrangères et sur base d'un rapport du Service Général de Renseignements et de Sécurité néerlandais (AIVD). Les Pays-Bas gelaient les avoirs (267 490,22 euros) de la fondation, parce que l'AIVD aurait des indications comme quoi l'argent collecté par Al-Aqsa serait transféré à des organisations « soutenant le terrorisme au Moyen-Orient, spécifiquement l'organisation radical-islamique Hamas dans les territoires palestiniens ».
Comme le Philippin José Maria Sison, al-Aqsa aux Pays-Bas est allé devant la justice. Le 11 juillet 2007, le Tribunal de Première Instance, faisant partie de la Cour de Justice Européenne, décidait que « des droits fondamentaux avaient été violés lors des décisions de mettre Sison et Al-Aqsa sur la liste européenne des organisations terroristes. Ainsi il n'y avait pas eu de procédure contradictoire. Ils n’avaient pas non plus reçu de motivation concrète et spécifique sur les causes de leur classement sur la liste européenne des organisations terroristes. La Cour a annulé les deux décisions de classement.».
L'Union Européenne a refusé de s’y conformer parce que les deux fautes procédurales auraient été réparées entre-temps. Au Danemark, Al-Aqsa fut également citée en justice, mais acquittée. Un procès est en cours en Suède. En Allemagne, le ministre des Affaires intérieures, Otto Schily, a interdit al-Aqsa située à Aix-la-Chapelle, pour « soutien à la violence et à la terreur au Moyen-Orient et aux terroristes palestiniens du Hamas ». Il faut préciser ici le fait que Schily est un ministre socialiste et qu’il a un jour été l’avocat du groupe Baader-Meinhof. En 1977 il disait à propos du terrorisme : « l'inculpation de terrorisme est de la propagande et rien d'autre... Les partisans russes et la résistance française étaient appelés terroristes par Goebbels... ‘Terroristes’ sont dits aujourd'hui... les vietnamiens luttant contre les Français et ensuite contre la domination américaine». Un procès en appel a confirmé le classement d'al-Aqsa Allemagne sur la liste, le juge de Leipzig disant : « al-Aqsa est une organisation qui perturbe l'idée de conciliation parmi les peuples » (Der Spiegel 3 décembre 2004).

8.4. Al-Aqsa Verviers.
Le mardi 29 avril 2008, c’était au tour de la Belgique. Le premier point du journal télévisé de RTL fut cette nouvelle sensationnelle : « La Mosquée de Verviers serait le point de départ et la plate-forme du soutien au terrorisme du Hamas ». Le journal donnait des images de la mosquée, une des plus grandes de Belgique, et l'émetteur interviewait deux responsables devant se justifier de « leur soutien au Hamas ». Cette information, prétendait RTL, était fondée sur une enquête américaine. Cette prétendue enquête américaine émanait de « The Nefa Foundation », une organisation composée de spécialistes du contre-terrorisme donnant aux autorités des « conseils concernant la lutte contre le terrorisme », en d'autres termes spécialisés dans la désignation, suite au 11 septembre 2001, de terroristes potentiels. En décembre 2007 déjà, la Nefa Foundation avait émis un rapport sur « L’influence de la fraternité musulmane aux Pays-Bas ». Le 14 avril 2008, la Nefa émettait un rapport de 24 pages avec des photos des bâtiments du Islamic Relief et al-Aqsa à Verviers, avec des noms, des professions et des photos des administrateurs de la mosquée à Verviers, des organigrammes... sous le titre « La fraternité musulmane en Belgique». L'élément le plus important dans ce rapport, c’est la pression politique. Ainsi le gouvernement belge est critiqué parce qu'il « est le seul gouvernement européen à ne pas encore être intervenu contre la section locale de l'organisation collectant le soutien pour le Hamas. » (p.2), « Il n'est pas clair pourquoi le gouvernement belge n’a jamais ordonné la fermeture de al-Aqsa Belgique, tandis que, tant l'Allemagne que les Pays-Bas l’ont fait. Des sources dans les services de sécurité belges disent que c'est causé par des manques dans la législation antiterroriste belge, mais il faut remarquer également que c'était la Belgique qui, en liaison avec la France et l'Irlande, a argumenté contre le classement de l'aile politique du Hamas comme organisation terroriste. Cette position pourrait éclairer le raisonnement menant à la décision belge. Comme ce rapport le démontre, c'est grâce à al-Aqsa Belgique que les activités de la fondation al-Aqsa ont pu se poursuivre en Europe, après sa clôture en Allemagne et aux Pays-Bas » (p.21). En tout cas, la NEFA foundation est plus au courant des positions de chaque pays européen que le parlement ou l'opinion publique. L'imputation politique de nature démagogique est d'ailleurs claire : la Belgique est trop conciliante dans la lutte contre le terrorisme.
On pourrait prétendre qu'il ne s'agit ici que d'un rapport n'émanant pas d'un organisme officiel. Mais la critique de l'inertie et de l'esprit de conciliation de l'Europe est une critique qui revient systématiquement dans chaque rapport annuel officiel du Département d’Etat américain. Le 30 avril de chaque année, ce rapport annuel évalue la lutte contre le terrorisme dans les pays hors Etats-Unis.
Un exemple. Dans l'introduction au rapport annuel de 2007 (« Country Reports on Terrorism 2007: Europe and Eurasia Overview »), le ministère des Affaires étrangères américain écrit : « L'activité terroriste et la présence de réseaux soutenant les terroristes restent inquiétants en Europe... L' Union Européenne dans sa globalité reste réticente à prendre des mesures afin de bloquer les avoirs des organisations humanitaires liées au Hamas ou au Hezbollah ».

8.5. La Charte du Hamas et la Charte du Likoud
La Charte du Hamas, dans laquelle il préconise la fin de l’Etat d'Israël, est un des obstacles à la solidarité avec le Hamas et l'argument principal pour le mettre sur la liste des organisations terroristes.
On peut poser d'abord que la voie de la reconnaissance d'Israël a déjà été essayée, et que cela n'a donné aucun résultat pour les Palestiniens.
Ensuite ce n'est pas l'Occident qui doit déterminer le programme d'une organisation de libération : pouvait-on exiger de l'ANC de reconnaître l'Etat sud-africain d'apartheid et de se contenter des Bantoustans, les prétendus foyers nationaux pour les Noirs ? Dans l'Etat sud-africain d'apartheid, il existait alors dix de ces foyers nationaux, dont quatre, Bophutthatswana, Ciskei, Transkei et Venda, étaient déclarés « indépendants ». Les six autres, Gazankulu, Kangwane, Kwandebele, Kwazoeloe, Lebowa et Qwaqwa, étant « autonomes ». Selon les autorités sud-africaines, les foyers nationaux visaient à « donner un grand degré d'autonomie à la population noire et à conserver sa culture ». Aucun pays au monde ne reconnaissait alors ces bantoustans. La plateforme du Likoud, ou faut-il dire la « Charte » du Likoud, a récemment, en 1999, dans son chapitre « Paix et sécurité », émis clairement l’idée qu'il ne faut pas plus qu'un Bantoustan pour les Palestiniens. Le Likoud déclare, à propos des colonies juives : « Les communautés juives en Judée, Samarie et Gaza sont des réalisations de valeur sionistes. La colonisation du pays est l'expression claire du droit indiscutable du peuple juif au pays d'Israël, et forme un atout important dans la défense des intérêts vitaux de l'Etat d'Israël. Le Likoud continuera à renforcer et développer ces communautés et empêchera leur déracinement ». Dans le même chapitre, le Likoud dit ceci sur son refus d'un Etat palestinien : « Le gouvernement israélien refuse catégoriquement l'établissement d'un Etat arabe palestinien à l'ouest du Jourdain. Les Palestiniens peuvent vivre leur vie librement dans le cadre d'une autonomie, mais pas en tant qu'Etat indépendant et souverain. Ainsi, par exemple, leur activité sur le plan des affaires étrangères, de la sécurité, de l'immigration et de l'écologie doit être limitée, et subordonnée à l'existence de la sécurité et des besoins nationaux d'Israël ».
Pourquoi n'a-t-on jamais mis le Likoud sur la liste européenne des organisations terroristes, depuis 1999, pour non-reconnaissance d'un Etat palestinien ? Pourquoi a-t-on reconnu les résultats des dernières élections israéliennes ? Pourquoi Israël n'est-il pas boycotté internationalement à cause de sa non-reconnaissance de l'Etat palestinien ??

8.6. Sur les attentats du Hamas
Le commissaire européen pour le développement, le belge Louis Michel, déclarait à la presse, lors de sa visite à Gaza le 26 janvier 2009, que tout dialogue entre l'Union Européenne et le Hamas serait exclu parce que le Hamas « est un mouvement terroriste  tuant des civils innocents ». « On ne peut pas discuter avec un mouvement terroriste utilisant le terrorisme comme moyen. Nous ne pouvons accepter que la manière dont le Hamas se comporte soit confondue avec de la résistance. Quand on tue des civils innocents, cela ne s'appelle pas de la résistance, mais du terrorisme ».
Passons outre le cynisme de cette déclaration européenne émise après le massacre commis par Israël,  parmi les morts palestiniens et dans les décombres de Gaza.

Nous sommes d'ailleurs mal qualifiés pour nous rendre compte, parce que, pendant l60 ans nous avons eu le temps d’oublier ce que sont l’occupation, l’oppression, la faim, le désespoir... La résistance a simplement cherché à mettre en œuvre les moyens qui lui restaient pour lutter : jeter des pierres, détourner des avions, fabriquer des tubes lance-grenades primitifs, enrôler des kamikazes, sans pour autant ériger en principe un de ces moyens de lutte. Abou Ghorbyeh, âgé de 95 ans, qui participait déjà à la révolte Al-Qassam en 1936 et qui dirigeait une des unités de résistance palestinienne à Jérusalem en 1947-1948, est considéré comme le patriarche de la résistance palestinienne. Dans une interview à al Jazeera sur son soutien à la résistance à Gaza, il disait : « Il faut prendre en considération toutes les formes de résistance. Il faut laisser aux combattants le choix d'après les possibilités disponibles. Le plus important c'est la continuation de la résistance, car c'est la seule manière d'affaiblir l'ennemi. Et plus important que de faire des victimes c'est de ronger le moral de l'ennemi ».
Peut-être qu'en Europe, ceux qui n'ont rien à perdre et sont aujourd'hui accusés par les media et le monde politique, de se livrer au « chantage terroriste » et au « terrorisme social », sont-ils seuls à même de comprendre pourquoi la résistance palestinienne utilise des moyens extrêmes. Après des semaines de manifestations en colère, Geir Haarde, le premier ministre d'Islande, a été le premier dirigeant européen obligé de démissionner à cause de la crise économique. À la révolte des jeunes en Grèce, fin décembre 2008, succédèrent des révoltes anti-gouvernementales en Bulgarie, Lettonie et Lituanie. À un point tel que le chef du Fonds Monétaire International, Dominique Strauss-Kahn, exprima la peur que, suite à la crise sociale, des révoltes sociales puissent surgir dans beaucoup de pays, y compris des « pays aux économies développées ».
C’est alors qu’on comprendra vraiment à quoi sert la législation anti-terroriste. La criminalisation des personnes et des organisations en Europe, par le biais de leur classement sur des listes anti-terroristes, ira s’accroissant dans la période à venir. C’est donc aussi dans notre propre intérêt que nous devons faire tout notre possible pour nous solidariser avec la résistance palestinienne, qui se trouve déjà sur la liste anti-terroriste.    

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